Boire est tout un art

Boire est tout un art, pour profiter de toutes les subtilités du sake, encore faut-il bien choisir son récipient. Selon le type de contenant, le sake n’aura pas la même saveur. Alors voici quelques conseils avisés de la part de Yūsuke MIYASHITA. Il est à la tête du restaurant Fushikino dans le quartier de Kagurazaka, à Tōkyō. Cet article de Zoom Japon est à lire précieusement. “L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.” Source du texte global : article du journal « Zoom Japon » du Numéro 84 (Octobre 2018)

Izakaya 居酒屋 – Bistrot Japonais

Ceux qui ont déjà voyagé au Japon ont dû assister à une scène singulière dans les restaurants du type Izakaya. Le client choisit une coupe parmi des coupes, des tasses et des verres de différentes formes, tailles et matières. Cette option amusante peut également modifier le goût de votre sake. C’est l’une des grandes caractéristiques de ce breuvage : il change de goût selon le type de contenant que l’on utilise.

Traditionnellement, les formes et matières des coupelles à sake varient : céramique, porcelaine, laque, bois, bambou, verre, étain… Avec la céramique, le sake peut avoir un goût différent en fonction de sa forme, sa taille et son épaisseur.

Sources des photos : sydneyinosaka.wordpress.com / discoverjapan-web.com

Mets et Sake

Yūsuke MIYASHITA propose un accord non seulement entre les mets et les sake, mais aussi avec les coupes à sake. Chaque mets est accompagné par un sake et servi à la température adéquate. Il est parfois agrémenté d’un peu d’eau pour en modifier la texture. Il est proposé dans un contenant qui met en valeur les éléments gustatifs et olfactifs que l’on souhaite faire ressortir. Autant de facteurs à prendre en considération.

Pas trop compliqué ? Complexe oui, mais passionnant pour cela, répond-il.

“Ce qui est intéressant, c’est qu’une bouteille peut avoir plusieurs visages. C’est à nous d’extraire les diverses potentialités contenues dans un seul sake. Assure-t-il. Il explique que s’il y a une forme de verre spécifique pour chaque type de vin. Il n’est pas pour autant coutumier de varier les verres lors de la dégustation à moins d’être un professionnel. On a tendance à penser qu’une seule forme est adaptée à un vin. Mais pour le sake, plusieurs réponses sont possibles.”

D’ailleurs MIYASHITA san propose de déguster la même cuvée dans différentes coupes pour sentir concrètement les différences.

Sources des photos : japonismes.org / toulousesakeclub.com

Sake et Verre

Cela ne veut pas dire qu’il faut être expert pour pouvoir apprécier les différences de goût. Faites un essai avec une bouteille de sake que vous avez chez vous, et les différents verres que vous possédez. D’après lui, il peut être bon de connaître les points suivants :

– Les vins contiennent 4 à 5 fois plus d’acidité que le sake. C’est pourquoi les verres à vin visent souvent à atténuer l’acidité en faisant ressortir plus de rondeur. Si l’on boit du sake dans un verre à vin, il peut perdre son acidité et devenir sucré.

– La coupe est ouverte, l’acidité sera plus marquée. Si elle est en forme de poire, ce sera la sucrosité qui sera mise en avant. On peut tester le sake dans un verre de type Martini.

– Les sake de type « nama » peuvent résister à cette tendance.

– On peut faire l’accord mets – vins – sake avec des verres de vin. À ce moment-là, le manque d’acidité du sake peut être utile pour reposer sa langue fatiguée par l’acidité du vin. On peut servir par exemple un sake après un vin blanc, avant de passer au vin rouge.

– Pour les vins : le nez est le plus important. Pour le sake : “Fukumika” : parfum enfermé dans le palais, une fois que le liquide a touché le palais. “Kaerika” : parfum de retour, rétro-olfaction dans le nez et la bouche.

Sources des photos : gastronomiac.com / midorinoshima.com

Utsuwa et Marchés aux puces

Une fois que vous avez senti la métamorphose du sake avec les verres que vous avez chez vous, vous pouvez acquérir une tasse à sake traditionnelle japonaise (Guinomi) et continuer l’aventure. Au Japon, vous pouvez en acheter dans les boutiques ou galeries d’Utsuwa (vaisselles japonaises du quotidien), mais aussi les chiner aux marchés aux puces.

Les règles constatées pour les verres à vin s’appliquent de la même façon : avec une coupe ouverte (Sakazuki), vous pourrez sentir davantage l’acidité du sake tandis qu’avec une coupe fermée (Guinomi), on appréciera plus d’Umami et de douceur. Si vous cherchez l’équilibre, choisissez une forme de bol moyennement ouverte.

Sources des photos : Yann san / medium.com

Utilisation des Utsuwa

Pour les coupes à sake, vous avez le choix entre les Ochoko (petite tasse), Guinomi (tasse de grande taille), ou même utiliser un Soba choko (récipient pour mettre la sauce Tsuyu pour les nouilles Soba). Aussi, comme les coupes sont plus petites que les verres à vin, on ne verse pas le sake directement depuis la bouteille. Il existe pour cela plusieurs ustensiles tels que le Tokkuri, Ochōshi, ou le Katakuchi (avec un bec), qui peuvent contenir 160-180ml de liquide et dans lesquels on transvase le sake avant d’en servir une portion dans les coupelles.

On utilise les Tokkuri et les Ochōshi pour faire chauffer au bain-marie le sake. Là encore, avec un récipient en étain ou en aluminium, une belle acidité peut ressortir tandis qu’avec celui en céramique, le goût devient plus doux. La porcelaine sera entre les deux. Il existe aussi des ensembles Ochoko et Tokkuri, de mêmes matières et motifs. On peut librement choisir une coupelle qui nous plaît et l’emporter avec soi. Lors d’un voyage par exemple, une pratique appelée « My Ochoko ». Des ensembles d’Ochoko et leur étui sont disponibles à la vente pour les amateurs.

Les coupes à sake changent le goût mais il y a également là un plaisir esthétique. Le sake un peu trouble de type Nigori sera mis en valeur dans une coupe évasée en laque rouge. Il embrassera et contrastera avec sa blancheur. Les sake maturés “Jukusei Koshu” sont conservés plusieurs années. Ils gagnent une couleur ambre et peuvent être servis dans des verres ciselés pour mieux apprécier l’onctuosité du coloris. De même, on peut choisir sa coupe en fonction de la saison : une coupe qui apporte de la fraîcheur, comme les verres ou coupes de couleur bleue, ou des mini-coupes pour boire rapidement avant que le sake frais ne tiédisse. Une coupe qui apporte de la chaleur, avec une céramique épaisse, au style brut, couleur terre. Pour les coupes ou Tokkuri à motifs, on peut associer les plantes ou les fleurs de saison pour être en accord avec la nature.

On peut aussi privilégier la matière, en fonction de la température du sake : les coupes en étain conservent bien la fraîcheur tandis qu’une coupe en céramique épaisse peut s’accommoder avec un sake chaud. On peut même apprécier un élément qui peut être perturbateur pour les verres à vin : les coupes en bois de thuya apportent une odeur de fraîcheur au sake. Les différences de matières procurent une sensation propre aux lèvres, aux mains qui les portent. Le côté sensuel de l’Utsuwa japonais est fait pour être porté à deux mains. Choisir une Utsuwa, ce n’est pas seulement une affaire de beauté visuelle. C’est presque une rencontre entière avec le corps d’une coupe. Sa provenance naturelle (terre, argile, sable, bois) et les mains des artisans qui l’ont façonnée, à l’aide de l’eau, de la flamme, de la résine qui est l’âme du bois.

Source des photos : shibui.com

Esthétique du thé et du sake

MAYASHITA san et également maître de thé. Il fait remarquer que la cérémonie du thé, désormais considérée comme un art total, a connu une sophistication. À l’origine de cet acte, il y a l’idée d’apprécier tous les types de thés. Avant que la cérémonie du thé ne prenne la forme que nous lui connaissons aujourd’hui. Il y a eu un stade où l’on « faisait battre » différentes sortes de thés. Si on en était simplement resté à juger uniquement la qualité d’un thé. Distinguer ceux qui sont bons de ceux qui ne le sont pas. La cérémonie du thé n’aurait pas pu inclure une pensée esthétique.

Selon lui, pour que l’acte de boire du sake puisse l’élever au rang d’art. Il faut arrêter de juger les goûts des sake. On doit partir de l’idée que le sake est une boisson délicieuse. En réfléchissant aux moyens de l’apprécier le plus possible. En tenant compte de tous les éléments (esthétique, visuel, gustatif, olfactif, culturel) et même de l’histoire des coupes. À savoir qu’il sert aussi du sake dans des coupes antiques.

À ce moment-là, nous pourrons apprécier au maximum la boisson que l’on est en train de mettre en bouche. Il élève le goûts des mets et inversement. Cette dégustation pourrait alors s’approcher au plus près de l’art.

Source des photos : keikouchida.com