Importance de l’objet utilitaire
Mingei, qui signifie littéralement « arts du peuple », fait référence à des objets artisanaux produits pour un usage et un plaisir quotidiens. Mingei est aussi le nom d’un mouvement créatif fondé dans les années 1920 par le philosophe de l’art Sōetsu YANAGI et les céramistes Shōji HAMADA et Kanjirō KAWAI. L’artiste de gravure sur bois Shikō MUNAKATA et l’artiste mourant au pochoir Keisuke SERIZAWA ont rejoint le mouvement dans les années 1930. Ce mouvement est proche de l’ADN de Maison Wabi-Sabi.
Ses véritables origines et influences résident dans le travail d’artisans inconnus produisant de la céramique, des meubles, des vêtements, des objets en bambou, des peintures, de la calligraphie, des estampes, des sculptures et des articles en papier au cours des siècles.
Au début du 20ème siècle, le Japon, comme le reste du monde développé, se modernisait et connaissait une grande vague d’industrialisation et d’urbanisation sociale, entraînant la disparition de l’objet fait main. En réaction à cela, Sōetsu YANAGI et ses partisans parcourent la campagne japonaise, les îles d’Okinawa et la péninsule coréenne, découvrant la beauté et l’importance historique des objets utilitaires.
Selon Sōetsu YANAGI ces objets fabriqués par les gens ordinaires étaient « au-delà de la beauté et de la laideur ». Il pensait que ce type de pureté dans l’art et le design n’était pas le résultat d’une intention consciente mais était né du hasard et des compétences cumulées de générations d’artistes inconnus. Ses activités ont abouti à la création du Musée de l’artisanat populaire japonais en 1936, pour recueillir et promouvoir une appréciation de la beauté brute trouvée dans l’artisanat populaire.


Sources des photos : artsandcollections.com / leachpotteryblog.com – Source du texte : ngv.vic.gov.au
Shōji HAMADA et Kanjirō KAWAI
Au cours du 20ème siècle, Shōji HAMADA 濱田庄司 (1894-1978) et Kanjirō KAWAI 河井 寛次郎(1890- 1966) étaient non seulement responsables de la préservation des techniques traditionnelles et de l’esthétique folklorique historique, mais ils ont également développé des styles individualistes qui continuent d’inspirer les générations futures de céramistes.
Fidèle aux traditions céramiques japonaises, Shōji HAMADA a promu l’utilisation d’argiles, d’émaux, de pierres et de cendres locales, ce qui a abouti à des articles en céramique facilement identifiables à la région dans laquelle ils ont été fabriqués. Il a également développé un émaillage gestuel simple mais distinctif brossé, tamponné et coulé, qui distinguait sans équivoque les pièces comme les siennes tout en conservant la nostalgie des potiers anonymes d’une époque révolue.
Le proche collègue de Shōji HAMADA, Kanjirō KAWAI, travaillant avec un four grimpant ou dragon, (noborigama en japonais), à Kyōto. Il a produit des bouteilles, des vases, des récipients et des plats moulés à la plaque d’influence traditionnelle. Il a préféré un style de décoration en relief et des zones plates de couleur émaillée.
Son intérêt pour les traditions bouddhistes est évident dans ses bourgeons de fleurs, comme ceux que l’on trouve parfois dans la main d’un bodhisattva compatissant. L’influence de Shōji HAMADA et Kanjirō KAWAI se perpétue à travers leurs nombreux disciples et leurs innombrables céramistes à travers le monde. L’Esprit Mingei et le principe d’utilisation de matériaux locaux ont inspiré le mouvement anglais Studio Pottery en Cornouailles.


Shōji HAMADA
Sources des photos : ngv.vic.gov.au / mirviss.com – Source du texte : ngv.vic.gov.au
Un peu plus loin dans le Mouvement Mingei
L’esprit Mingei au Japon – Chronique d’une exposition : Paru dans la revue de la Société des amis du Musée national de céramique. Texte écrit par Germain VIATTE, conservateur général honoraire. Cette exposition proposait une relecture du mouvement Mingei, fondé dans les années 1920 par Sōetsu YANAGI, aux côtés des potiers Shōji HAMADA et Kanjirō KAWAI. Le terme « Mingei », contraction de Minshuteki Kōgei (« artisanat populaire »), désigne une esthétique de la simplicité, de l’anonymat et de la sincérité dans les objets du quotidien.
À travers plus de 150 pièces (céramique, textile, bois, laque). L’exposition illustrait une philosophie où l’objet utilitaire devient porteur de valeur spirituelle et culturelle. En écho à la pensée bouddhiste de YANAGI san, la beauté ne réside pas dans l’intention artistique, mais dans la justesse du geste et l’humilité de la forme.
L’exposition soulignait également la continuité entre tradition et modernité, en mettant en lumière le travail de Sori YANAGI, fils du fondateur, dont le design industriel prolonge l’esprit Mingei dans un dialogue fécond avec la modernité occidentale. Par cette mise en perspective, Viatte proposait une réflexion sur la place de l’artisanat dans la société contemporaine et sur la pertinence actuelle de ses valeurs.
YANAGI et le Mingei : Livret tiré à part du N°163 de Novembre décembre 2008, de la Revue de la Céramique et du Verre. Réalisé à l’occasion de l’exposition « L’esprit mingei au Japon » organisée au Musée du Quai Branly, à Paris. Il revient sur la genèse et l’héritage du mouvement Mingei à travers les écrits et les témoignages de ses figures majeures.
Fondé dans les années 1920 par Sōetsu YANAGI, aux côtés de Shōji HAMADA et Kanjirō KAWAI. Le Mingei ou « art populaire » valorise la beauté anonyme, modeste et fonctionnelle des objets du quotidien. Pour YANAGI, influencé par le bouddhisme et l’art coréen, la véritable beauté ne réside pas dans la signature de l’artiste mais dans la sincérité du geste, dans l’harmonie naturelle entre l’usage, la forme et la matière.
Le livret met en lumière non seulement les principes philosophiques de YANAGI, mais aussi l’œuvre de ses proches collaborateurs et héritiers. Il évoque également la fondation du Musée Mingei à Tokyo en 1936. Institution vouée à préserver et transmettre cet héritage. Les contributions d’Isamu NOGUCHI et d’Issey MIYAKE témoignent de l’influence durable du Mingei sur le design moderne, notamment à travers la figure de Sōri YANAGI, fils de Sōetsu, qui a su prolonger cet esprit dans le domaine du design industriel.
Loin d’une simple nostalgie artisanale, YANAGI et le Mingei propose une réflexion toujours actuelle sur la valeur des objets : leur capacité à relier beauté, utilité et esprit. Ce livret rappelle combien le Mingei dépasse le cadre japonais pour rejoindre une pensée universelle de l’objet juste.
Mingei Treasures (Les Trésors Mingei) : Catalogue réalisé suite à l’exposition à la Pucker Gallery à Boston, en Août 2010. L’exposition rendait hommage à l’esprit du Mingei, mouvement né au Japon dans les années 1920 sous l’impulsion de Sōetsu YANAGI. Le terme « Mingei » (contraction de Minshuteki Kōgei, soit « artisanat populaire ») désigne une esthétique fondée sur la beauté des objets du quotidien, façonnés par des mains anonymes dans un esprit de simplicité, d’humilité et de fonctionnalité.
L’exposition présentait un ensemble d’œuvres issues de cette tradition, en mettant particulièrement à l’honneur deux figures majeures de la céramique japonaise : Tatsuzō SHIMAOKA (1919–2007), désigné Trésor national vivant en 1996, et Tomoo HAMADA, petit-fils du célèbre potier Shōji HAMADA, lui-même pilier du mouvement Mingei.
Les œuvres de SHIMAOKA san se distinguent par l’usage d’une technique originale d’incrustation de motifs en corde (Jōmon Zōgan), associée à des glaçures de cendre, sel ou oxyde de cuivre. Ses formes robustes et équilibrées traduisent une recherche d’harmonie entre tradition et création personnelle. Les pièces de Tomoo HAMADA, quant à elles, témoignent de la continuité d’un savoir-faire familial transmis sur trois générations : plats, vases et bols en grès révèlent un travail attentif de la matière, des émaux et des proportions, dans un souci constant de l’usage.
À travers cette sélection, Mingei Treasures interrogeait la notion d’héritage vivant : comment l’esprit Mingei se perpétue-t-il aujourd’hui ? Comment le respect des formes anciennes peut-il nourrir une création contemporaine sincère ? L’exposition montrait que loin d’être figé dans la nostalgie, le Mingei est une démarche en mouvement, ouverte au monde et encore profondément active dans l’art céramique japonais actuel.
Accompagnée d’un catalogue richement illustré, l’exposition offrait aux visiteurs une immersion dans un univers où la beauté s’exprime non dans la virtuosité, mais dans la justesse du geste, l’équilibre des formes et l’authenticité des matériaux. Mingei Treasures soulignait ainsi la pertinence toujours actuelle de cette philosophie, qui fait de l’objet utilitaire un porteur silencieux de valeurs esthétiques, spirituelles et humaines.
