Suzanne KRETZ - Portrait

Suzanne KRETZ

(1994-)

Elle est née à Tokyo et a grandi à Paris. Bien que ses parents soient français, elle a été élevée en bi-culture franco-japonaise, en particulier concernant la cuisine (et la céramique). Enfant, elle connaissait donc déjà la culture japonaise, bien avant que celle-ci devienne à la mode et celle-ci constitue une part entière de son identité.

Tout au long de sa vie, elle a passé une grande partie de son temps libre et de ses vacances dans l’Atelier Terre de Lune, fondé par ma mère (Annie METZGER) en 1996.

Vers ses 16 ans, elle a commencé à exposer ses pièces à l’atelier à ses côtés. Après son bac scientifique, elle a fait une année d’étude à l’école Duperré, suivie d’une licence de psychologie et d’un master de neuropsychologie à l’université Descartes, durant lesquels elle a réalisé une année d’échange universitaire à Montréal.

À l’issue de ses années d’études, elle a commencé à enseigner à l’Atelier Terre de Lune. Elle a également travaillé pendant 6 mois à l’Espace Monte-Cristo, dédié à la sculpture contemporaine. Souhaitant une vie professionnelle alliant travail intellectuel et manuel, elle a choisi de travailler à temps plein dans la céramique.

Elle enseigne donc la céramique depuis 4 ans, et elle réalise des pièces (utilitaire et sculpture) en parallèle. Depuis peu, elle habite à La Haye (Pays-Bas) où elle a le projet d’ouvrir son propre atelier.

“J’aime la définition japonaise du céramiste, qui ne distingue pas l’artiste de l’artisan. Je me considère donc comme un mélange des deux à parts égales.

Je réalise aussi bien des pièces utilitaires pour le quotidien que des pièces plus artistiques, qu’elles soient utilitaires ou plus sculpturales. L’art et l’artisanat sont deux facettes du métier de céramiste, qui se complètent et s’enrichissent l’une et l’autre.

Selon moi, l’artisan est un artiste dans le sens où il réalise des pièces uniques, réfléchies suivant un cadre personnel tant dans son éthique que son esthétique. L’artiste est aussi un artisan, car la conception de pièces requiert des connaissances et une maitrise techniques, nécessaires à la réalisation de toute chose, de ses mains.”

“J’ai commencé à faire des pièces modelées vers mes 2 ans et mes premières expériences de pièces au tour aux alentours de mes 4 ans.

Ma mère, Annie METZGER, a appris la céramique au Japon et a ouvert L’atelier Terre de Lune à son retour en France. J’ai donc grandi dans cet atelier, où elle m’a transmis son métier tout au long de ma jeunesse. Enfant, je profitais de la cour de l’atelier pour réaliser des architectures éphémères en grès, avec de nombreux jeux de bassins et de cascades.”

Annie METZGER - Atelier Terre de Lune - Atelier
Suzanne KRETZ - Atelier Terre de Lune - Émaux et Terres

“Elle m’a transmis sa passion pour la céramique japonaise, ainsi que les techniques de ce pays (notamment, je tourne dans le sens japonais, et conçois mes pièces par la forme intérieure).

Elle m’a également appris à rechercher et réaliser des émaux haute température, à partir des diagrammes de Daniel de Montmollin. Enfant et adolescente, je réalisais mes propres tests à partir de mélanges d’émaux qu’elle avait créés, et que je nommais de noms assez fantaisistes comme « ciel d’orage ».

Cet apprentissage est aussi passé par l’utilisation quotidienne de céramiques artisanale, la visite de marchés, de musées et ateliers de céramistes dans différents pays (en particulier au japon, à Tokyo, Kyōto, Okinawa, Fukuoka, mais aussi en suède, au Danemark, en Angleterre, en Italie, et plus récemment aux Pays-Bas…).

D’une certaine façon, je pense que cela a contribué à ma passion pour l’enseignement, et transmis une certaine pédagogie et la relation humaine qui en découle.

Tous ces apprentissages se sont poursuivis en parallèle de mes études, et nous passions plusieurs semaines l’été à faire de la céramique ensemble, à Paris ou dans son second atelier dans le Lot. Actuellement, nous continuons toujours à apprendre ensemble, grâce à un échange mère-fille qui m’est très précieux.”

“Une de mes élèves, Ina, a dit un jour que ma céramique était impertinente. Cette définition m’a beaucoup interpellée. Elle mettait un mot sur quelque chose que je n’arrivais pas à définir, et elle venait d’une personne qui me connait principalement au travers de la céramique.

Ma réflexion se fait un peu à l’envers : d’abord par la couleur, la matière, le décor puis la forme. Avec le temps, j’ai constaté que j’aimais faire compliqué, techniquement et esthétiquement, mais aussi que mes pièces se divisaient en deux grandes catégories : l’une très « brute » souvent modelée et l’autre très délicate, souvent tournée.

Depuis peu, j’essaie de conjuguer les deux mondes, afin de former une sorte de brut délicat, avec des jeux de jus d’oxydes, d’engobes, d’émaux colorés, et d’émaux en transparence associés à des cendres, sur des grès chamottés.

Naturellement, je m’inspire beaucoup du japon, en particulier du sud du japon, et de la nature sauvage, pas standardisée et qui se laisse vivre. Le doux mélange du désordre et de l’organisation que la nature fait si bien.

J’aime les couleurs « naturelles ». Pour moi, cela ne veut pas dire des tons de beiges et de brun, mais plutôt la diversité des couleurs que l’on retrouve partout autour de nous et qui ne sont pas toujours ce qu’on croit être. Par exemple, la multitude des reflets du ciel dans l’eau, l’apparition en transparence de la vie sous-marine et des variations de profondeurs. Aussi plus simplement, le fait que le vert d’un légume ne soit pas juste « vert » mais tout un ensemble de nuances qui créent une couleur vibrante et vivante.

En résumé, je dirais que je m’inspire du japon pour les formes et de cette nature sauvage pour les couleurs.”

Annie METZGER - Atelier Terre de Lune - Four électrique
Suzanne KRETZ - Pincé et Structuré

“Je puise aussi dans l’univers du textile, qui m’apporte une autre approche du motif et des textures. Cela me permet d’avoir un regard contemporain, ancré dans le quotidien. Le vêtement est un univers familier à tout le monde, et facilite d’une certaine façon l’entrée dans un monde d’artisanat céramique souvent méconnu et mal compris, en le démocratisant et en rassurant le public grâce à des repères connus de façon consciente ou non.

J’ai aussi toujours été attirée par l’univers de la biologie, en particulier les images au microscope, les cellules, et les schémas explicatifs. Je développe et recherche donc différentes façons d’exprimer cet univers, et en particulier les motifs d’organisation cellulaire. Je possède un carnet rempli de dessins de cellules que j’ai réalisés et qui se retrouvent sur certaines pièces.

Mes pièces varient beaucoup d’une année sur l’autre.
Je n’apprécie pas particulièrement faire en permanence les mêmes modèles avec les mêmes émaux. J’ai constamment de nouvelles idées que je souhaite expérimenter. Souvent, je n’ai pas le temps de toutes les réaliser. Je note tout et réalise parfois des idées que j’avais auparavant lorsque j’ai trouvé comment les réaliser.

Je possède également un carnet dans lequel je dessine des motifs et imprimés depuis plusieurs années. Je l’utilise comme inspiration selon mes envies techniques et esthétiques du moment.

Je réalise de très petites séries et des pièces uniques. Plutôt que de me concentrer sur la régularité stricte, je préfère me concentrer sur l’équilibre intrinsèque de chaque pièce. J’aime créer suivant une forme de méditation et « d’accident maitrisé », qui rend chaque pièce unique, même si elle peut ressembler à une autre. De même, j’aime aussi expérimenter les techniques de décors et d’émaillage, ce qui modifie beaucoup mes pièces au cours du temps.”

Elle utilise principalement un four électrique. Elle a pu expérimenter les cuissons aux gaz aux côtés de sa mère, qui possède un four de ce type dans son atelier du Lot.

“Je trouve que c’est un bon outil, qui permet facilement d’avoir des résultats stables. Cela permet de commencer à développer sa créativité simplement, et de solidifier ses acquis avant de passer à des cuissons au gaz ou au bois qui sont des défis techniques en elles-mêmes. Il est aussi intéressant d’essayer d’avoir des rendus similaires aux cuissons au gaz ou au bois, simplement avec de l’électrique. Ce sont souvent des fours dont on sous-estime le potentiel. Cependant, elle espère un jour pouvoir réaliser des cuissons au bois lorsque la localisation de son atelier le permettra.”

Les cuissons biscuit durent environ 8h. Les cuissons émail durent entre 10 et 12h (à l’électrique).

“J’utilise des émaux créés à l’atelier, par ma mère et moi. Ces émaux sont inspirés des émaux typiques japonais (tenmoku, goutte d’huile, rouge kaki, shino, etc.), les émaux à la cendre, le verre (très utilisé dans les iles japonaises du sud pour représenter l’eau, partout présente dans l’environnement) mais essentiellement dans le cadre de sculptures car il s’agit d’un matériaux complexe et capricieux qui peut compromettre le caractère utilitaire d’une pièce.”

Suzanne KRETZ - Atelier du Lot - Mas del Bos
Annie METZGER - Atelier Lot - Bureau

“Je donne des cours collectifs de céramique toutes les semaines, ainsi que des stages destinés aux débutants (tour, modelage et émaillage). J’assiste également ma mère lors des stages de recherche d’émaux.

La transmission du savoir-faire est importante. Cela constitue un échange très enrichissant entre professeur et élève. Je suis moi-même issue de la transmission familiale du métier de céramiste, et j’assiste au quotidien à la richesse de cet échange.

Ma mère m’a transmis le métier dans tous ses aspects (pratique de la céramique, mais aussi gestion d’entreprise) et je lui partage mes connaissances de la technologie ainsi que mes Inspirations et recherches qui sont différentes des siennes. Ces échanges sont quasi quotidiens, et nous apprennent beaucoup, grâce au recul dont nous disposons chacune sur le travail de l’autre.

Depuis quelques années, j’ai également le point de vue du professeur, et j’ai pu observer à quel point les discussions avec chaque élève m’apprenaient, et me faisaient découvrir l’univers de chacun. Ces échanges sont de véritables moteurs créatifs, dans un sens comme dans l’autre.”

Suzanne KRETZ en 5 dates importantes :

1998 : sans doute une de mes premières pièces au tour, et l’une des plus ancienne que je possède encore

2001 : premier voyage au japon, et stage dans un atelier de céramique à Bizen (Japon). J’y découvre l’été au japon, la chasse aux papillons et aux grillons, la nourriture, l’atmosphère si particulière

2009 : ma première exposition à l’atelier Terre de Lune

2018 : mes débuts en tant que professeur de céramique

Août-septembre 2019 : mon plus récent voyage au Japon, effectué alors que je travaillais à plein temps dans la céramique. Première fois où j’appréciais la céramique de ce pays en tant que professionnelle.

(2024 : ouverture de mon atelier aux Pays-Bas)

Ma relation avec la céramique est instinctive, impertinente, imprévisible et absolument pas académique.”

Suzanne KRETZ - Studio Den Haag
Annie et Suzanne - Bizen en 2001.
Suzanne KRETZ et sa mère Annie METZGER – à Bizen en 2001

Source des photos et des textes : Suzanne KRETZ et Yann san