Guillaume PARISON
(1971-)
Originaire de NANCY, dans le département de Meurthe-et-Moselle dans la région Grand-Est. « Mon premier atelier était situé à Nancy et j’y suis resté 5 ans. Depuis fin 2020, mon atelier est installé à Favières, à 40km au sud de Nancy, dans un espace collectif que je partage avec d’autres artisans d’arts. Favières est un ancien village de potiers (3 pots sur le blason de la commune) et l’atelier est d’ailleurs situé : 1 rue des potiers. »
Quelques dizaines d’années cumulées… ancien musicien et organisateur de concerts, aujourd’hui jardinier et céramiste. De culture plutôt urbaine mais aujourd’hui installé à la campagne, tendance écolo, plutôt solitaire mais toujours enthousiasmé par les projets collectifs. Passionné de culture japonaise et d’histoire de l’art médiéval.
« C’est mon travail et ma démarche qui me définissent tout autant que le regard qu’y porte le public ; artisan d’art, artiste, créateur ? Peu importe la case cochée, pour moi, c’est céramiste et jardinier. Céramiste parce que je traite l’ensemble du cycle céramique (préparation de la terre, façonnage, décors et traitements de surface, cuissons), mais aussi la conception et la vente… C’est un fonctionnement transversal et non sectorisé par métiers comme cela pouvait l’être par le passé dans l’industrie céramique, les petites manufactures ou ateliers familiaux (potier tourneur, émailleur, cuiseur…). Jardinier, parce que là aussi mon approche horticole et botanique est transversale (production et multiplication, conception et réalisation, gestion et entretien, conservation…). »
« Gamin, j’ai bricolé dans l’atelier céramique d’une MJC ; je n’aimais pas l’odeur de la terre. J’ai ponctuellement et occasionnellement retouché un peu de la terre ensuite, mais très peu avant de décider de m’y plonger totalement. »
« D’abord actif dans le secteur culturel et le spectacle vivant (organisation de concerts), je me suis tourné vers l’horticulture, la botanique et les jardins à partir de 2006, et c’est donc tardivement, et par des chemins détournés, que je suis arrivé à la céramique en 2014. La culture japonaise, l’horticulture, la botanique et les jardins, et enfin, le(s arts du) feu, sont les sentiers qui m’y ont conjointement menés. »
« J’ai débuté la céramique par une première formation (2014>2015) de 10 mois au CPIFAC (centre de formation céramique près de Nancy) au cours de laquelle j’ai appris le tournage et abordé l’ensemble du « cycle céramique » (façonnage / décors / cuisson). Je me suis ensuite initié aux émaux de cendres via un stage chez Christine Brückner en 2016. »
« J’ai, enfin, réalisé une seconde formation de 10 mois, toujours au CPIFAC (2017>2018) sur une thématique « cuissons céramiques et fours à bois, émaux de cendres, décors et techniques japonaises ». C’est au cours de ce deuxième temps pédagogique et expérimental que j’ai abouti la plupart de mes émaux et beaucoup d’éléments de décors spécifiques de ma production de : Céramique utilitaire d’inspiration japonaise. »
« Je m’inspire très directement des formes, des usages et des techniques céramiques issus des traditions potières japonaises et coréennes. La céramique de bizen (Bizen-yaki) est l’une de mes sources d’inspiration majeure tant pour le décors Hidasuki que pour les cuissons bois, que ce soit d’un point de vue technique ou esthétique. La céramique du sud-ouest du Japon (Karatsu-yaki), très marquée par les traditions coréennes est l’une de mes autres sources d’inspiration, notamment au travers des styles Mishima et Kohiki, avec des techniques/décors liés aux engobes de porcelaine. »
« La céramique japonaise influencée par les traditions chinoises – période song ; sont aussi une inspiration dans mon travail sur les émaux Tenmoku et Céladon. La seule chose que je pratique qui ne relève pas directement des traditions céramiques nippones c’est la porcelaine en cuisson bois. J’aime beaucoup les nuances chromatiques caractéristiques de cette matière passée par les flammes et les cendres. »
« Je réalise mes cuissons dans des fours à gaz ou à bois. Je cuis dans les fours d’un centre de formation céramique près de Nancy (CPIFAC). J’utilisais leur four gaz 2 brûleurs / air induit (environ 250 L). C’est dans ce four que j’ai aboutit tous mes émaux. J’utilise aujourd’hui leur four gaz Rhode 4 brûleurs / air induit (environ 700L). »
Je cuis aussi depuis plusieurs années dans leur four à bois, un four de type phoenix (flamme bouclée) dont la masse et l’inertie ne permettent cependant pas de mener les cuissons rapides que ce type de four suppose habituellement. Nos cuissons sont, de fait, plus longues et les effets sur les pièces en sont bien évidemment renforcées. Nous avons aussi réalisé quelques aménagements spécifiques sur ce four (pré-alandier, alimentation latérale…) et comme le passage de flamme entre l’alandier et la chambre de cuisson est très large, nous investissons cet espace pour aboutir des résultats très marqués, proche de ceux obtenus dans un four de type Anagama. »
« J’envisage de construire mon propre four à bois dans les prochaines années. Il s’agira probablement d’un four de type Train Kiln, avec des aménagements spécifiques pour réaliser des embraisages. »
« Sinon, je termine actuellement la construction de mon four gaz. C’est un petit four de 250 litres, en briques réfractaires isolantes (en 2 couches), avec 2 brûleurs à air induit. Je vais réaliser mes premières cuisson test/étalonnage durant cet Hiver 2023/2024. »
« L’intérêt d’un four gaz, par rapport à un four électrique, est de pouvoir réaliser des cuissons dites ‘réductrices’ (pauvres en oxygène) qui affectent considérablement les couleurs des terres, mais aussi les couleurs et le comportement des émaux. Chose importante également, certains éléments placés préalablement dans le four (végétaux sur les pièces, charbon, sciure de bois) peuvent y brûler sans rien endommager, ce qui ne serait pas le cas avec un four électrique dont les résistances seraient rapidement détériorées. »
« Pour la première moitié de la cuisson, nous utilisons divers feuillus (type bois de chauffage) en bûches, associés à des petits morceaux de résineux. Il s’agit de monter lentement en température et de générer un bon lit de braise. Ensuite, nous utilisons du résineux calibré en longueur et en diamètre, les dosses sont tronçonnées en morceaux de 80 cm maxi et refendues. Pour l’alimentation latérale, les morceaux sont calibré à 65 cm avec un diamètre max de 5 cm. Pour la fin de cuisson ou pour les cuissons de très hautes températures au delà de 1300°C (porcelaine). Nous utilisons beaucoup de morceaux fins. Le résineux en petites sections brûle vite, produit une flamme longue, génère peu de braises et des braises fines facile à brasser le cas échéant. Le résineux a aussi tendance à produire naturellement une atmosphère réductrice. Jusqu’à présent, nous menions (ma collègue et moi) 1 à 3 cuissons par an, mais je me dirige résolument plus vers 1 seule cuisson par an, mais en solo (donc plus de pièces en une cuisson), avec éventuellement une cuisson collective en complément. Ma production en cuisson bois ne représente pas plus d’1/3 de ma production totale. »
« Toutes cuissons confondues, les pièces sont toujours précuites (biscuit/dégourdi) à 800°C dans un four électrique. Les cuissons gaz durent environ 8h tandis que nos cuissons bois durent environ 30h. »
« En concordance avec mes pratiques jardinières s’inscrivant dans l’agrobio, je n’utilise aucunes matières premières dangereuses ou toxiques. Mes émaux sont très bruts et naturels, élaborés avec 3 matières premières : cendres de bois lavées et tamisées, porcelaine et silice broyée (du commerce). J’ajoute de l’ocre pour mon Céladon et de l’oxyde de fer rouge pour mon Tenmoku. Pour mon émail transparent, je passe un aimant dans ma suspension d’émail afin de retirer un maximum de paillette de fer présentes dans les cendres (le fer étant un agent colorant indésirable). Pour mon émail blanc magnésien, j’ajoute de la dolomie et pour mon émail siliceux blanc, j’ajoute 50% de cendres de fougères lavées et tamisées à ma base d’émail transparent. J’utilise aussi de plus en plus un émail très simple à base d’ocre rouge et de cendres de bois, en proportions variées selon les types cuissons. »
« Je réalise toujours les mêmes types de pièces, les formes et les volumes peuvent varier, de même que les mélanges de terre et les décors/traitements de surface. C’est le cas des Chaire, Tokkuri, Chawan, Mizusashi, Kōro, mais aussi les vases ou les pièces horticoles pour Kusamono, Kokedama et Nearai. Certains types de pièces sont en revanche finalisés dans leur forme au travers d’un dessin coté et j’utilise alors des petits outils, jauges et réglets pour respecter les cotes/dimensions. C’est le cas des Yunomi, Shiboridashi et Hōhin, Yuzamashi / Katakuchi, Kyūsu. »
« Je travaille sous forme de petites séries, non pas par type de pièces mais par type de mélange de terre et type de décors. Par exemple, si je lance une série Mishima, je vais sortir des Chawan, Chaire, Mizusashi, Kōgō et Kōro, Shiboridashi, Hōhin et Yuzamashi. »
« Je lance telle ou telle série en fonction de l’état de mon stock et de ma disponibilité de certaines matières premières. Par exemple, je peux lancer une série de pièces avec mon émail siliceux aux cendres de fougères uniquement si j’ai des cendres de fougères à disposition. Je prends des commandes que si elles correspondent à ce que je fais ; aucune chance de me faire faire un vinaigrier, une salière ou un coquetier. »
« Je ne dispense aucun cours. C’est un choix, préparer (matières, matériaux, matériels, espace de travail, nettoyage, etc.) et donner des cours c’est particulièrement chronophage. Cela prendrait trop de temps sur ma production. En revanche, j’aime énormément échanger, partager mon retour d’expérience et transmettre, surtout sur des thématiques très spécifiques comme les émaux de cendres et les cuissons bois. Organiser occasionnellement des stages de plusieurs jours sur ces thématiques m’intéresserait en revanche beaucoup. Actuellement, comme je réalise encore mes cuissons dans les fours (gaz et bois ) d’un centre de formation, j’ai l’occasion de mener des interventions pédagogiques informelles in situ. »
« La transmission du savoir-faire est quelque chose d’important en tant que tel et c’est important pour moi. Beaucoup trop de pratiques céramiques aujourd’hui sont trop lisses et relèvent trop du loisirs créatif. Il est nécessaire de pouvoir initier le public et les céramistes à des pratiques plus traditionnelles, ancestrales, et surtout moins figées et calibrées par l’industrie. »
« Tout comme l’horticulture mais d’une façon différente, la céramique m’apporte un rapport à la matière, à la base, au sol, à l’être, aux éléments. Le cycle céramique en lui même, fait d’attention et de patience, renvoie directement aux cycles naturels des végétaux. Il y a l’avant, le pendant et l’après, le trop tôt et le trop tard. »
« Comme en horticulture, il faut être à l’écoute. On ne taille pas un arbre à n’importe quel moment car il y a une logique biologique liée à l’être vivant, à l’environnement et aux éléments. Pour la terre, c’est pareil. En fait, je ressens tout ça comme un tout cohérent, une évidence naturelle. »
« Je ne me suis jamais posé la question de pourquoi faire ceci ou cela, comme ci ou comme ça. Les choses découlent les unes des autres, c’est le cas dans mon parcours et dans mes pratiques. Quand j’ai commencé la céramique, je savais déjà qu’on pouvait réaliser des émaux avec des cendres de végétaux, en tant que jardinier, ça me parlait. Ça m’a tout de suite paru évident que c’était cette voie là que je suivrai, de même pour les cuissons bois, c’était une évidence aussi. »
Guillaume PARISON en 5 dates importantes :
2014 > 2015 : Ma première formation au CPIFAC, j’y ai appris le tournage et j’ai abordé l’ensemble du cycle céramique, c’est aussi au cours de cette formation que j’ai participé à mes premières cuissons au bois.
2016 : Mon stage avec Christine BRÜCKNER sur les émaux de cendres.
2017 : Création de l’atelier Satoyama.
2017 > 2018 : Ma deuxième formation au CPIFAC : cuissons/fours bois, émaux de cendres, décors et techniques japonaises.
2020 : Installation de l’atelier à Favières et lancement du financement participatif pour la construction de mon four à gaz.
Source des photos et des textes : Guillaume PARISON et Yann san. Portrait Photo © Jean-Charles THOMAS. Couvercle en porcelaine Photo © Céline PEYREBERE. Photos Chanoyu et Encensoir © Delphine FAURE-CATTELOIN