Patrizia ROVERE - Portrait

Patrizia ROVERE

(1958-)

“Originaire de Valenciennes dans le nord et née de parents italiens. Mon premier grand amour a été le corps, de part mon métier je les ai massés, palpés, effleurés. Mais j’ai aussi été fascinée par son intelligence et à travers des activités corporelles telles que la danse et le Tai-Chi-Chuan. J’ai pu me mettre à l’écoute de ce dont il avait besoin et arrêter de lui demander de faire toujours quelque chose.

Après avoir vécu 23 ans en Italie, je suis rentrée en France où j’ai rencontré Rizu TAKAHASHI, artiste céramiste japonais et là j’ai fait la connaissance de la terre.

Une nouvelle passion était née. Depuis 2009, mon corps est toujours heureux et joyeux quand il rencontre la terre que j’exprime dans l’instant de ce que je suis.”

“Amoureuse de la Beauté : En partie de mes parents mais cet héritage génétique vient de bien plus loin. J’ai toujours été sensible au beau, les beaux matériaux, les beaux tissus, la vibration de certains peintres, la qualité des choses bien faites.

Quand je suis avec la terre, c’est vraiment avec cette intention que je la touche et la modèle. Amener humblement ma contribution à la beauté du monde, nous est déjà offerte. Elle nous émerveille à chaque instant par notre mère nourricière à tous : La Nature.

En Janvier 2009, connaissant ma passion pour la céramique, mon mari m’a offert un stage de poterie pour mes 50 ans. Le premier lieu où je suis allé, fut la MJC de Montauban (dans le Tarn et Garonne).

J’avoue que je suis rentrée chez moi assez déçue mais en me disant que si c’était cela que la vie me proposait : j’acceptais. Ce même jour je trouvais dans la boîte aux lettres la gazette du village où j’habitais depuis deux mois qui mettait en lumière un habitant du village et ce mois-là c’était Rizu TAKAHASHI, artiste céramiste japonais.”

Patrizia ROVERE - Vases et Jīzo
Patrizia ROVERE - Anagama

“Je n’ai pas réfléchi une seconde, j’ai appelé la mairie du village qui s’appelle Villaudric, en demandant les coordonnées de Rizu. Son épouse Mercedes m’a répondu et nous avons convenu d’un rendez-vous.

Je suis allée chez eux à pieds, en arrivant, j’ai d’abord bu le thé avec Mercedes. Nous avons beaucoup parlé et ensuite elle m’a accompagné à l’atelier. Je n’oublierai jamais ce moment. J’ai senti quelque chose dans le coeur et j’ai su que j’étais au bon endroit. Nous étions en novembre 2008 et nous avons décidé que je commencerais au mois de janvier 2009.

Je rentrais en France après avoir vécu 23 ans en Italie. Je savais ce que je ne voulais plus faire mais pas encore ce que je voulais faire.

Après cette incroyable rencontre, je rentrais chez moi les larmes aux yeux en disant à haute voix : tout va bien.”

“Au bout d’une année où j’allais un après-midi par semaine à l’atelier. Rizu a bien compris que cela ne me suffisait pas et m’a proposé de venir autant de fois que je voulais.

C’est ce que j’ai fait, je suis restée avec lui pendant 5 ans. Il m’a tout appris sur les différentes techniques et approches de la terre. Il m’a donné la possibilité de toucher à cette liberté fondamentale où la créativité se déploie dans un espace infini sans limite.

Cette sensation je la connaissais avec le corps et je la ressens encore et toujours avec la terre.

Au cours de ces 13 années, mes sources d’inspirations ont été différentes, en commençant par les formes que la nature nous offre. Si on prend le temps de l’observer, on se rend compte que tout est déjà là. J’aime beaucoup m’inspirer des formes anciennes de vases ou de pots dont l’humilité me touche et dont j’ai envie de reprendre les courbes en y déployant ma créativité.”

Patrizia ROVERE - Vases et Coupes
Patrizia ROVERE - Anagama

“J’utilise mon four à bois Anagama parce que c’est ainsi que tout à commencé pour moi. Cette aventure avec la terre a été, dés le début, une véritable union avec le feu. C’est ce qui m’a littéralement fascinée et happée.

La cuisson au four à bois est un moment magique et intense dont je ne me lasse pas, c’est la seule cuisson qui nous permet de voir la transformation de la matière au fur et à mesure où la température monte.

La terre passe d’un stade où elle devient presque terne, à un orangé clair puis un orangé lumineux pour arriver à un blanc transparent où j’aime à dire que les céramiques se divinisent. Et quand je vois la joie de Rizu qui a maintenant 81 ans pendant une cuisson, je sais que cette intensité ne faiblira jamais.

Le meilleur bois pour une cuisson Anagama est le pin Douglas de la région. Sa combustion n’est ni trop rapide ni trop lente. Il permet une montée en température régulière. Je réalise deux cuissons par an dans mon four Anagama qui est de petite taille (1m3 et demi). Une cuisson dure entre 48h et 56h.”

“S’il y a bien un type de cuisson qui donne des surprises, c’est la cuisson Anagama. Parfois malheureusement elles ne sont pas belles, mais quand le feu a décidé de faire des cadeaux, ils sont magnifiques.

J’aime ces cuissons pour cela, car une fois l’enfournement terminé et la cuisson commencée, je ne gère plus rien, je me mets au service et à l’écoute du four et du feu et je l’accompagne humblement.

Je ne suis pas capable de réaliser toujours les mêmes pièces et ça ne m’intéresse pas. Encore moins suivre une mode ou un style et j’ai vite abandonné les commandes et les demandes spécifiques que l’on a pu me faire. Ma relation avec elle se situe dans le coeur et dans la spontanéité, quelque fois ça ne marche pas mais la plupart du temps çà fonctionne.

J’ai besoin se sentir que ça vibre, que ça résonne. Commencer une nouvelle création est un moment de grande excitation et de joie. Une phrase que me disait Rizu m’accompagne toujours comme un mantra : demandes à la terre si elle est contente.”

Patrizia ROVERE - Anagama
Patrizia ROVERE - Intérieur Anagama

“La transmission est importante, c’est comme une chaîne qui se déploie depuis la nuit des temps. Quelqu’un, il y a très longtemps, a transmis son savoir-faire à quelqu’un d’autre et à quelqu’un d’autre encore pour arriver jusqu’à moi. C’est un honneur pour moi d’être un maillon de cette chaîne qui pourra continuer encore longtemps.

Je pratique le Tai-Chi-Chuan depuis plus de 20 ans et durant les séminaires avec mon maître chinois, nous méditons devant une peinture représentant des dizaines de visages de maîtres Taoïstes. L’intention de cette méditation était de remercier tous ces maîtres d’avoir transmis cette pratique pour que nous puissions à notre tour la découvrir et l’explorer.

Ma relation avec la céramique, la terre, le feu, les émaux est passionnelle, spontané, où rien n’est acquis, où tous mes sens sont en éveil. J’aime définir la terre comme un matériau libre, avec qui j’exprime ce que je suis à l’instant où je la touche.”

“Quelqu’un m’a dit un jour : la vie nous fait plein de cadeaux, ils sont là devant nous et nous ne les voyons pas.

Le jour où j’ai rencontré Rizu TAKAHASHI, j’ai vu le cadeau que la vie me faisait et je l’ai pris. Quelle gratitude immense.

Ce voyage commencé il y a 13 ans n’a pas été de tout repos, comme tous les voyages, mais la terre m’accompagnera toujours, c’est une amie fidèle avec qui je partagerais encore beaucoup d’instants nourrissants et vibrants.

Je voudrais finir avec cette citation de Rainer MARIA RILKEi à propos du baiser de Rodin : Une main qui se pose sur l’épaule ou la cuisse d’un autre corps n’appartient plus tout à fait à celui d’où elle est venue, elle est l’objet qu’elle touche ou empoigne, forment ensemble une nouvelle chose, une chose de plus qui n’a pas de nom et n’appartient à personne.”

Patrizia ROVERE - Vase Bouddha
Patrizia ROVERE - Rizu TAKAHASHI

Patrizia ROVERE en 5 dates importantes :

2009 : Premier après-midi dans l’atelier de Rizu TAKAHASHI et première rencontre avec la terre.

2009 : Première cuisson dans un four à bois chez Rizu TAKAHASHI.

2013 : Construction de son propre four Anagama.

2013 : Première cuisson dans son four.

2017 : Première exposition au Centre Céramique Contemporaine de Giroussens.

Source des photos et des textes : Patrizia ROVERE et Yann san, résumé par Yann san